UN ENSEIGNEMENT MAJEUR
Nous nous sommes tous retrouvés face à un dysfonctionnement comportemental de notre cheval.
Pour n'en citer qu'un, il arrive qu'en le menant au pré, par enthousiasme il précipite le pas, nous précède et finit par nous arracher la longe des mains.
En réalité, ces attitudes se construisent peu à peu à notre insu, au fil de la négligence de détails comportementaux et d'erreurs de langage.
Car tout est dans le détail du langage, car tout est langage et pour comprendre les origines, la teneur et le sens du message nous devons ouvrir nos champs de vision pour une compréhension élargie.
Il me vient à l'idée cette première phrase de l'évangile de Saint-Jean : "Au début était le Verbe".
Cette citation représente sans doute la locution la plus importante jamais écrite.
Le Verbe est l'expression de nos pensées, de nos paroles et de nos actes. Dans notre monde matérialiste, seuls sont pris en compte les effets directs tangibles et visibles alors que le cheval réagit avant tout par résonance émotionnelle et morphique.
On considère à tord que ce qui ne se voit pas, n'existe pas. En réalité, nos actions prennent leur source dans notre conscience profonde qui génère nos pensées qui elles-mêmes créent des intentions qui se convertissent en paroles et en actions accompagnées d'émotions. La suppression de l'action de la conscience dans nos réflexions équestres représente ainsi une erreur magistrale.
Car dans ce monde de l'invisible, tout est intrication, relation de cause à effet. Le champ morphique est un monde d'interactions invisibles pour nos yeux, mais qui crée notre temporalité et toute la phénoménologie adjacente.
Nos cerveaux humains conceptualisateurs oublient volontiers ces plans cachés pour ne se préoccuper que de la partie émergée mécaniste de l'expression du langage et de ses effets.
Marc-Alain OUAKNIN, philosophe et rabbin nous explique l'art de l'interprétation cabalistique dans son ouvrage "Bibliothérapie".
Quel rapport avec le cheval pensez-vous ?
Tout d'abord, Cabale tient sa racine étymologique du latin "cabalo" et du grec "kabalès", les deux signifiant "cheval".
Dans le judaïsme, Kabale signifie "tradition" et son étude invite à l'interprétation des textes sacrés. Dans le Christianisme, la Cabale évoque l'étude et l'interprétation de la Bible.
Rappelons cet enseignement fondamental qui ouvre un champ de compréhension étendue par les quatre niveaux de lecture :
- le Pchat : le sens littéral
- le Rémez : le sens réel
- le Drasch : ce que nous en comprenons
- le Sod : le sens caché
En équitation comme en tous domaines, nous élargissons notre champ de compréhension en interprétant l'information par le filtre de ces niveaux de lecture, et plus particulièrement par le Sod, le sens caché du texte.
Catherine DESPEUX, dans "Le chemin d'éveil" nous explique l'allégorie du cheval dans le taoïsme. Il devient l'expression de nos pensées, de nos paroles et de nos actes et illustre parfaitement les interactions entre notre conscience et la temporalité.
Ainsi, dans une vision élargie, le cheval endosse différents rôles.
Considérons que le cheval représente symboliquement notre conscience qui anime le verbe créateur qui produit toutes nos expériences, qu'elles soient bonnes ou mauvaises.
Il interagit ainsi au gré de ses perceptions. Il réagit par résonance morphique aux informations invisibles que nous lui transmettons car il lit tout notre état d'Être à chaque instant. Or ces perceptions sont sans doute plus importantes que les gestes extérieurs que nous produisons. Ces informations perçues génèrent des émotions qui représentent le carburant conditionnant ses attitudes.
Concrètement, malgré son empathie et sa supplétivité naturelle, le cheval va construire son attitude en amplifiant chaque acquis, que nous le considérions bien ou mal.
Par résonance et par intrication, il va tisser une chaine de comportements réactionnels sur la base de ses perceptions de l'instant.
Pour le cheval, il y a souvent contradiction entre vos éléments de conscience, vos intentions, vos émotions et vos actions.
Cela commence par la perception de l'amour que vous lui portez, les caresses et les friandises que vous lui prodiguez et par opposition, les matériels coercitifs utilisés et les méthodes d'entraînement qui produisent inconfort et douleur. Regardez et réfléchissez quant aux effets produits par les noseband, les enrênements et les éperons.
Pour que le processus alchimique puisse opérer, l'intention, la parole et le geste doivent être en cohérence et en harmonie.
On ne peut pas prétendre aimer et créer de la souffrance par ses actes. Cette ambivalence referme de nombreuses portes et altère la relation quand bien même le cheval souffre en silence.
Le cheval vit à l'instant présent. Par nature, il va amplifier chaque élément appris, qu'il soit bon ou mauvais.
L'exemple de la mise au pré s'avère très démonstratif. Le premier jour, le cheval fait preuve d'enthousiasme pour sortir.
Arrivé devant la porte du pré, il va vous dépasser d'un coup. Le lendemain il va faire preuve d'impatience en tirant sur la longe pour se libérer. Le jour suivant, il va vous arracher la longe des mains.
Puis il va refuser de marcher tranquillement à vos côtés, il va systématiquement vous devancer. Il va commencer à vous bousculer. Et ainsi de suite ...
En réalité, le cheval construit ses attitudes déviantes sur nos propres défaillances d'attention et sur l'incompréhension des signaux qu'il nous envoie, l'ensemble bordé d'ignorance.
Contrairement à la plupart d'entre nous, le cheval vit dans l'Être et non dans l'Avoir.
Il traduit ainsi tous nos comportements, qu'ils soient cachés ou apparents, en les mettant en phase avec sa nature animale instinctive.
Dans une vision éthologique, il va systématiquement user des informations de l'instant pour se positionner favorablement afin d'agrandir son espace d'initiative et de liberté.
Ainsi, tout est dans le contrôle des pensées et des émotions, puis dans le détail du geste, l'ensemble créant la nature relationnelle ainsi que la richesse du langage.
Ce faisant, nous activons les lois universelles créatrices. Le cheval nous montre qu'il n'existe pas de geste insignifiant, que toute pensée et que toute action produit une réaction par interaction avec les acquis précédents. Il nous montre notamment que la notion de bien et de mal sont subjectives. Ce principe idéologique judéo-chrétien n'existe pas dans la nature. En réalité, il s'agit d'informations dont nous interprétons les effets au prorata de notre propre sensibilité, de notre niveau de perception et de notre philosophie de vie. Ce qui nous semble positif peut être perçu négativement par autrui. L'universalité construit ainsi la temporalité au gré de nos pensées et de nos actions et des interactions avec les consciences touchées. Il n'existe pas de petites actions. Elles se complètent, s'additionnent, se mutualisent et créent nos expériences de vie.
Le cheval, par son esprit non spéculatif, construit de la même manière ses attitudes au fil de nos actions souvent dichotomiques.
Le paradigme mécaniste trouve alors systématiquement ses limites et tente de répondre souvent par une soumission coercitive, alors que ces dysfonctionnements se corrigent exclusivement dans le silence du geste et de la pensée. Seul l'alignement des consciences entre l'homme et l'animal permet de régénérer et de réinitialiser la relation.
Voilà ainsi une parfaite illustration de la pensée de Nicolas de CUES dans "La coïncidence des opposés". Deux actions conjuguées en créent une troisième. Dans notre cas, notre message conditionné par notre intention et notre action interprétée selon les lois universelles par le cheval, crée un comportement qui pourra être collaboratif ou antagoniste. Il nous appartient d'apprendre et d'éveiller notre conscience.
Tous les Maîtres écuyers en ont passé par là, parfois de manière intuitive ou innée, souvent par un travail spirituel continu.
Définitivement, l'équitation de s'improvise pas.
Sachez que tout devient infiniment plus facile quand les consciences du cavalier et du cheval s'alignent.
La communication devient alors intuitive tandis que l'art de l'équitation ouvre un chemin d'éveil de conscience.
Comprenne qui pourra.
Francis Stuck
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