La quête de l’équilibre par le langage …
Tirer, pousser, rêne droite, jambe gauche, changer de mors, mettre les éperons, etc … autant d’actions qui auraient du sens si l’on s’adressait à une machine ou à un objet dénué de raison. Mais le cheval est un Être doté de sensibilité, d’une conscience, de capacités cognitives, de facultés d’analyse, d’un inconscient et d’un subconscient. Outre son physique, seul son niveau de conscience et ses capacités mentales le distingue des humains. De fait, il convient de s’adresser à lui dans une langue qu’il comprend et c’est au plus intelligent de s’adapter pour se faire comprendre. Ainsi, avant d’utiliser de manière désordonnée des aides artificielles, il conviendrait d’apprendre à parler et à comprendre la langue « cheval ». Car le cheval dans son environnement naturel communique avec ses congénères. Ils forment une société parfaitement organisée et équilibrée. A titre individuel, le cheval se déplace dans l’espace avec aisance et dans une harmonie parfaite. Les choses se compliquent lorsqu’un cavalier se met sur son dos et surtout lorsqu’il agit de manière arbitraire. Car en définitive, quelle est la finalité de l’équitation ? Quelle que soit la discipline, la seule quête de l’équilibre rend toute action possible, efficace et harmonieuse. Et cette notion n’est pas conceptualisable car elle doit répondre aux lois de la gravité chères à Newton. En toute logique physique, l’équilibre apparait lorsque l’on atteint le point central de répartition entre deux masses supprimant ainsi toute force d’opposition en devenant infiniment léger. Chez les chevaux, de par leur morphologie, la répartition du poids entre les membres antérieurs et les membres postérieurs se trouve approximativement dans une proportion 2/3 à 1/3. C’est à dire, que schématiquement, 2/3 du poids du cheval se trouve sur son avant-main. Cette notion est généraliste et est variable selon les races et les types d’équidés. Mais elle nous permet de construire un raisonnement et une méthodologie de travail. Ainsi, pour trouver le point d’équilibre du cheval, la seule solution consiste à redresser l’avant-main en agissant sur l’encolure qui représente un balancier sur lequel est fixée la tête et d’engager les membres postérieurs sous la masse du cheval. Cela semble évident. Pour y accéder au cours des dernières décennies, les humains n’ont cessés d’imaginer des outils coercitifs. Mais désormais, la science nous ouvre les porte du langage qui représente une alternative nouvelle particulièrement efficiente. La chaine de formation des chevaux doit être rompue pour y intégrer ces nouveaux maillons. Car en s’adressant à l’intelligence du cheval, il nous répond de manière cohérente et constructive. Les chevaux n’échafaudent pas de théories perverses à l’instar des humains. Une question précise posée intelligemment suscite une réponse juste et satisfaisante. Et lorsque la réponse est insatisfaisante c’est parce que la question a été mal posée. C’est aussi simple que cela. Mais pour cela, il faut acquérir les subtilités de ce langage non verbal inter-espèces. Et celui-ci est basé principalement sur le respect et sur le non-agir. Aujourd’hui, toute l’attention est portée sur le mouvement en avant et sur le dos. Pour les chantres de la biomécaniques, convenons que le dos du cheval n’a qu’une mobilité très réduite. Entre le garrot et la base de la queue, l’amplitude de mouvement varie de quelques centimètres seulement. Toutes les photos présentant des chevaux à l’arrêt et en mouvement et ce quelles que soient les angles de vues et les disciplines, montrent que le dos du cheval reste quasiment immuable entre le garrot et la base de la queue. Le cheval ne sait pas faire le dos rond comme un chat par exemple et pour cause, sa structure squelettique est totalement différente. Aussi, l’action doit-elle se situer ailleurs. Pour déplacer le centre de gravité vers le point d’équilibre, c’est le garrot qui doit monter naturellement par un basculement vertical voire une rotation vers l’arrière-main. Et ce mouvement d’élévation de l’avant-main doit être complété par des postérieurs qui s’engagent. François Robichon de la Guérinière l’enseignait ainsi : « Pour mettre un Cheval sur les hanches et lui ôter le défaut d’être sur les épaules, les hommes de Cheval ont trouvé un remède dans les leçons, qui sont l’Arrêt, le demi-Arrêt et le Reculer. » Tout est dit. Il suffit de faire. Ainsi, courir pendant des kilomètres en poussant le cheval sur les épaules est un non sens qui va à l’encontre du but recherché. Pour François Robichon de la Guérinière, l’exercice de trot en avant n’a de sens que pour assouplir le jeune cheval. Le répéter inlassablement sans raison revient à créer un dogmatisme stérile tout en abrutissant un Être par le dénie et l’abstraction de son intelligence. Ainsi, l’état naturel et la finalité du mouvement équestre doit être souple, gracieux, élégant, et doit correspondre à une posture décontractée en adéquation avec le travail demandé. La justesse du mouvement se traduit par une structure musculaire qui s’adapte immédiatement et révèle des changements physiologiques harmonieux observables très rapidement. A l’inverse, un travail forcé et inadapté laisse des traumatismes immédiats. Nuno Oliveira écrivait : « En mettant pied à terre après une séance de travail, contemplez son oeil et faites un examen de conscience pour vous demander si vous avez bien agi envers cet extraordinaire Être vivant, ce compagnon adorable : le Cheval. » A ces conditions uniquement, l’alchimie opère et produit une fusion des corps et des esprits. Car la justesse de l’équitation se traduit par une gamme de sensations tant physiques que psychologiques qui échappent à l’interprétation du mental et de l’égo. L'équilibre dans toutes ses dimensions et dans toutes ses interprétations est à ce prix. C’est ainsi qu’opère la modification de l’état de conscience par l’expérience, l’accès à la transcendance. En cela, l’Equitation est héritière des vertus et des enseignements de la Chevalerie.
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