A propos de la corrida …
Le mot est lancé et il fait polémique de part et d’autre des tranchées.
Pour l’aborder, il nécessite moulte pincettes afin de ménager passions et susceptibilités.
Afin de sortir des dogmes et des scléroses intellectuelles serait-il bon d’adopter des angles de vision alternatifs afin d’en appréhender tous les aspects.
Assurément est-il injustifiable en 2022 de promouvoir une quelconque activé, fusse-t-elle traditionnelle, qui promeut la souffrance animale.
Je suis de ceux dont les jambes se trouvent sur les deux rives, passionné de chevaux lusitaniens sélectionnés pour les arènes et en même temps ardent opposant à la torture animale. Le grand écart rend les abducteurs douloureux. J’ai assisté à des corridas et y ait vu l’innommable. J’y ait également vu des chevaux qui y pratiquent du grand art, avec courage et avec un incommensurable talent.
En qualité de défenseur inconditionnel de la cause animale et fondateur d’une association de protection des chevaux, il m’est impossible d’agréer des pratiques qui font couler le sang animal. A ce titre, la corrida à pied est définitivement indéfendable avec son cortège d’horreurs et de souffrances sanglantes tant pour les taureaux que pour les chevaux des picadors. Et le principe même de mise à mort volontaire est insupportable au regard du respect de la vie et de sa magie.
Quand bien même symboliquement on pourrait comprendre le mélodrame qui se joue dans l’arène, une pantomime du jeu de la vie et de la mort, le symbole doit rester au rang de son expression intellectuelle et ne doit pas corroborer un pseudo alibi pour justifier l’injustifiable. Les consciences ont évolué et depuis 2000 ans nous vivons une ère bâtie sur l’humanisme et sur la conscience du respect de la vie. L’époque des jeux du cirque de Néron est définitivement révolue. Le christianisme a intégré la notion de culpabilité dans les consciences humaines individuelles portant l’humanité vers des ères de respect de la vie, quand bien même le chemin reste long.
Le principe scientifique de champ morphique va définitivement ancrer cette conscience d’unité et de partage de l’esprit de vie entre tous les Êtres de la création. Mais les paradigmes sont tenaces et les consciences évoluent lentement.
Si en Espagne la corrida se pratique à pied, au Portugal, elle se déroule à cheval. A l’issue de ce combat, les taureaux ne sont pas mis à mort dans les arènes. A la fin de la corrida, ils sont « symboliquement » exécutés par huit forcados en tenue traditionnelle de la campagne. Ce sont de jeunes hommes qui subissent une initiation martiale leur permettant ainsi de devenir des hommes. Face au taureau ils forment une ligne. Le premier s’avance vers l’animal et au moment ou celui-ci le charge, il se jette entre ses cornes pour l’arrêter. Les autres l’entourent ensuite pour maîtriser l’animal.Puis on fait entrer un troupeau de vaches pour attirer le taureau hors des arènes.
Quand bien même il n’y a pas de mise à mort, le rejeneador plante des banderilles acérées dans le garot du taureau, le blessant cruellement et l’affaiblissant.
Bien entendu, cet aspect n’est pas plus défendable pour la corrida portugaise qu’elle ne l’est pour la corrida espagnole.
Pour ces raisons, ces spectacles traditionnels d’un autre âge vont disparaître un jour prochain. De nombreux portugais le savent et le disent depuis bien longtemps.
Ces aspects sanglants et cruels ternissent fondamentalement l’image d’une pratique qui en réalité n’est pas née en péninsule ibérique.
Xénophon, 430 ans avant Jésus-Christ, philosophe et chef de guerre, auteur de l’un des plus anciens traités d’équitation prônant la douceur et le respect de l’animal, utilisait déjà en Crète des taureaux de combat pour entrainer ses cavaliers durant les périodes de paix. L’équitation tauromachique est en réalité l’équitation de combat et de guerre.
Les traités d’équitation comme celui de La Guérinière ou de Manuel Carlos de Andrade évoquent le dressage des chevaux de guerre. Et l’équitation tauromachique au même titre que les jeux équestres traditionnels en sont l’illustration.
Aujourd’hui encore on monte dans les arènes avec des « selles à piquer » illégitimement appelées « selles portugaises ».
En réalité, elles furent conçues au XVIIème siècle par les écuyers et les selliers de la cour royale française à Paris et à Versailles.
En rajoutant les tenues Louis XV que portent les cavaliers tauromachiques, outre le drame de la souffrance du taureau, le spectacle perpétue dans les arènes les grandes heures de l’équitation baroque.
Les fabuleux chevaux lusitaniens doivent leur extraordinaire caractère, leur tempérament et leurs exceptionnelles qualités aux sélections génétiques les destinant au combat dans les arènes. Car qui peut le plus, peut le moins. Avec la disparition de la tauromachie, nous perdrons progressivement ces fantastiques chevaux. Les générations futures en parleront comme les cavaliers d’aujourd’hui parlent du Neapolitano ou du Genêt d’Espagne, des races de chevaux de parade et de guerre aujourd’hui disparus.
Le sujet n’est pas nouveau et je me souviens de discussions passionnées avec des amis portugais dont d’anciens cavaliers tauromachiques. En leur demandant s’il n’était pas possible de pratiquer ce spectacle autrement que par le sang versé du taureau, ils répondent que ceux-ci sont des animaux très intelligents qui comprennent très vite le sens de la scène dont ils sont les acteurs involontaires. Ils perçoivent l’intention du cavalier et du public par résonance morphique et sont tout à fait conscients de la nature de la tragédie à laquelle ils sont confrontés. Et soit, par instinct de survie, ils deviennent très dangereux car leur sens du combat leur permet de trouver très vite les failles et les faiblesses du cavalier et les banderilles servent à les affaiblir, soit ils perdent toute combativité en se résignant à la mort et le spectacle perd son intérêt pour le public.
Peu de gens le savent, mais il existe presque autant de lignées de taureaux que de lignées de chevaux. Et chaque lignée présente des caractéristiques précises. Certains cavaliers tauromachiques par exemple refusent d’affronter certaines lignées de taureau car ils sont trop dangereux, trop intelligents et trop combatifs. C’est comme en équitation. Tous les cavaliers ne peuvent pas monter tous les chevaux. Le public ne sais pas ce genre de choses. Ils vont au spectacle et c’est tout. Peu importe le breuvage, pourvu que l’on ait l’ivresse. Et rien ne ressemble plus à un taureau qu’un autre taureau.
Beaucoup d’éleveurs de taureaux sont également éleveurs de chevaux. Ils produisent ainsi des animaux complémentaires.
Si la tauromachie à pied est condamnée à court terme et à juste titre, la tauromachie à cheval dispose d’un chemin alternatif.
La communauté portugaise de Californie perpétue depuis de nombreuses décennies la tradition tauromachique, mais sans effusion de sang, sans blessure et sans mise à mort.
Aux Etats-Unis, la tauromachie traditionnelle fut interdite d’emblée pour les mêmes raisons qui vont la faire disparaitre en Europe. Les portugais vivant en Californie ont trouvé la solution alliant tradition, ferveur du spectacle et liesse de fête.
Là-bas, on revêt le garrot des taureaux d’une fibre permettant d’y recevoir des banderilles pourvues à leur extrémité d’une fixation de type « Velcro ».
La photo ci-joint illustre cette pratique inoffensive pour le taureau.
Ne vous y trompez pas. Le spectacle garde tout son intérêt, car on assiste à un jeu entre un taureau et un cavalier montant un cheval particulièrement bien dressé.
Par résonance morphique, consciemment, le taureau sait que sa vie n’est pas en danger. Il entre dans le jeu comme les « mansors », les taureaux d’entrainement n’ayant jamais été confrontés à la mort et jouent le jeu pour exercer cavaliers et chevaux. La fraicheur du jeune taureau découvrant la joute va lui conférer plus d’impétuosité qu’un taureau aguerri voire blasé et pimentera le spectacle par son enthousiasme. Mais la conscience des animaux qui font le spectacle est dans ce cas totalement différente car leur instinct de survie n’est pas exacerbé.
Cette solution permettrait incontestablement d’allier la tradition aux exigences de respect de la vie et des consciences inhérentes contemporaines.
Avec la disparition de la tauromachie à pied, nous perdons à juste titre une tradition rétrograde, indigne du niveau de conscience d’humanité du XXIème siècle.
Mais avec la disparition de la tauromachie à cheval, nous perdons une frange importante de notre culture équestre avec de surcroit le risque de disparition des fantastiques chevaux lusitaniens, les chevaux des rois.
La solution existe. Inspirons-nous des prédécesseurs portugais californiens. Ils ont ouvert la voie avec succès.
Le temps est sans doute venu d’y réfléchir mais également d’agir de manière urgente avant que des opportunistes ignorants et en mal de notoriété viennent par ricochet détruire une partie essentielle de notre patrimoine culturel équestre.
Comprenne qui pourra ou qui voudra.
Francis Stuck
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